Bac 2001

Philosophie S

Sujet 2

 

Notre connaissance du réel se limite-t-elle au savoir scientifique ?

 

 

 

Notre : les hommes, en général

Réel : Le terme ici est pris dans son acception la plus générale : ce qui est hors de moi la donnée  que je peux constater.

Connaissance du réel : la représentation que nous pouvons nous en faire, quelle que soit la nature de cette représentation (rationnelle, magique, religieuse, métaphysique, pratique, esthétique etc…)

 

 

 

 

Le verbe peut prendre différent sens :

-    est-elle bornée à …

-    est-elle équivalente à

-    se réduit-elle à ?

 

 

 

 

 

Connaissance rationnelle se présentant comme un système cohérent de représentations, et qui repose sur un certain nombre d’exigences : cohérence interne, adéquation à l’objet, objectivité, et falsifiabilité.

 

Reformulation du sujet :

La connaissance que nous avons du monde extérieur n’est-elle possible que par l’intermédiaire des sciences ? Celles-ci ne risquent-elles pas de limiter notre approche du réel ? En un mot, tout est-il dit lorsque les sciences ont parlé ?

 

Plan :

1- La spécificité et les limitations de l’approche du réel par les sciences ?

1.1  – Science, opinion et savoir-faire

§         – connaître et posséder, le renoncement aux illusions de la pensée magique (Bachelard)

§         – le savoir-faire  s’oppose au savoir penser (Alain)

§         – la science met en ordre les phénomènes du monde en y repérant des modèles rationnels

1.2  – Les exigences de l’approche rationnelle du réel 

§         – cohérence interne et externe, non-contradiction, nécessité, suffisance, nécessaire retour au réel, soumission au verdict de l’expérience

§         – empirisme naïf et construction rationnelle (Bachelard)

1.3  – Cependant, les sciences ne peuvent prétendre s’imposer comme savoir absolu sur le réel : les limites de la vérité dans les sciences : la falsifiabilité comme exigence incontournable de l’éthique scientifique. (Popper)

Conclusion partielle 1 : L’homme moderne, par le développement des sciences a su constituer un mode de connaissance original du réel : la connaissance scientifique a construit un monde à la mesure de la raison humaine. Loin d’un empirisme naïf, elle fait sienne cette maxime de Bachelard : rien n’est donné, tout est construit.

 

2- Le réel peut-il être réduit à ce que la science peut en connaître ?

            2.1 – La science réduit le réel à ce qui est rationalisable dans le réel :

§         analyse d’un exemple : un phénomène naturel, la foudre qui va être réduit dans une conception rationnel à un ensemble de relations causales et de phénomènes quantifiables, au détriment de ce que le sensible et l’imaginaire pourrait en dire.                   

2.2 – La science interpose entre le réel et nous un tissu d’idéalités qui nous la masquent

§         L’univers des sciences se coupe et s’éloigne de la réalité sensible et vécue par tous. Risque de ne voir dans la nature qu’un ensemble de relations déterminées

2.3 – La science, loin de résoudre la solitude ontologique de l’homme risque de la renforcer : elle prend le parti de l’intelligible contre le sensible, du concept contre le percept (Bergson)

Conclusion partielle 2 : la connaissance scientifique voulait nous rapporcher du réel, mais elle ne le peut qu’au prix d’une réduction et d’une simplification. Pire, elle substitue au monde réel une construction rationnelle qui nous en masque l’essence.

 

3 - D’autres connaissances du réel sont-elles possibles ? sont elles opposables à la science ?

3.1 – La connaissance pratique et le savoir-faire

§         le savoir faire a sa grandeur : noblesse et spiritualité de l’outil (Aristote)

§         Notons qu’il n’est pas totalement indépendant de la science

§         l’homme prométhéen : s’emparer du réel pour le transformer (Descartes)

3.2 – La connaissance métaphysique et morale

§         Le réel et son dépassement : la quête du sublime (Hegel)

§         Donner sens et valeur au monde réel

§         Répondre à la question « pourquoi » là où la science ne peut que répondre à la question « comment »

3.3  - L’approche esthétique du monde constitue-t-elle un  « savoir de ce monde » ?

§         L’art, et l’art est capable de combler le gouffre qui nous sépare du réel en constituant entre lui et nous une « tierce réalité, l’œuvre d’art. (Huyghe)

§         L’art comme élargissement de la perception (Bergson)

Conclusion partielle 3 : Là où la science échoue partiellement dans son désir de nous faire connaître le monde dans son ipséité, d’autres modes de connaissance peuvent développer d’autres points de vue possibles sur le réel.

 

Conclusion :

On ne peut donc limiter notre connaissance du réel à la seule connaissance scientifique. Celle-ci a sa grandeur, mais ne témoigne que d’un seul type d’approche des phénomènes du monde, auquel on ne peut limiter notre regard sur le réel. L’homme ne sait où se mettre et l’erreur humaine ne fait qu’un avec l’errance (Canguilhem), il ne sait comment regarder le monde : la pluralité des approches résulte de cette solitude ontologique qu’il revient à l’ensemble des productions culturelles, et pas seulement à la science, de combler.

M. Le Guen 12-06-2001