Série STT

Exemple de sujet de type 2

Sujet :

 

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Il  est impossible de concevoir le Musée comme historique. Pour un peintre du moins. Ce serait simplement ridicule. Vous vous imaginez un peintre qui arrive devant le Musée en considérant chaque salle comme un produit? Les colonies produisent des bananes...  Le XVIe siècle produit l'art du XVIe siècle ? C'est dément ! Il est bien entendu que pour n'importe quel peintre, ce qui compte de l'art du passé est présent... J'avais pris l'exemple du saint : pour celui qui prie, le saint a son point d'appui dans une vie historique. Mais il a une autre vie au moment où on est en train de le prier : quand on le prie, il est présent. En somme, le saint est dans trois temps : il est dans son éternité, il est dans son temps historique ou chronologique, et il est dans le présent. Pour moi, ce serait presque la réponse à la question  « qu'est-ce pour vous qu'une œuvre d'art ? » C'est une œuvre qui a un présent. Alors que tout le reste du passé n'a pas de présent. Alexandre a une légende, il a une histoire,  mais il n'a pas de présent. Vous  sentez  bien que vous ne pouvez pas ressentir de la même façon une peinture de Lascaux et un silex taillé. Le silex taillé est dans l'histoire chronologique. Le bison peint y est aussi, mais en même temps, il est ailleurs.

André Malraux, Lazare. Le Miroir des Limbes.  Éd. Gallimard, 1974.

 

Question 1 : Dégagez les étapes de l’argumentation et l’idée principale du texte.

Question 2 : Expliquez :

2.1- En somme, le saint est dans trois temps : il est dans son éternité, il est dans son temps historique ou chronologique, et il est dans le présent.

2.2 - Alexandre a une légende, il a une histoire,  mais il n'a pas de présent

Question 3 : Essai personnel 

L’analyse développée dans ce texte à propos de l’art et de la technique préhistorique peut-elle s’appliquer à notre époque ?

 

Proposition de corrigé :

1.1  - étapes de l’argumentation :

            Ligne 1 à 6

            L’auteur s’interroge sur la manière de concevoir un musée : doit-on respecter la chronologie et classer les œuvres par époques ? Il refuse une telle conception : car selon lui une œuvre d’art n’appartient pas au passé, mais au présent.

            Ligne 6 à 10

            Pour comprendre en quoi une œuvre du passé peut être également au présent, Malraux établit une comparaison avec le Saint, qui lui connaît une triple temporalité : une existence historique, au passé, l’éternité, car il est proche de la divinité, et un présent : celui qui le prie s’adresse à lui au présent.

            Ligne 10 à 12

            C’est la thèse centrale du texte : si on voulait donner une définition de l’œuvre d’art, c’est ce rapport au temps qui l’exprimerait le mieux ; l’œuvre d’art est toujours au présent.

            Ligne 12 à 16

            Deux dernières comparaisons utilisées par Malraux :

-         Le personnage historique (Alexandre) qui est un seulement un personnage du passé.

-         La comparaison entre un objet technique (pierre taillée) et une œuvre d’art (le bison peint), qui sont toutes deux témoignage de leur époque, mais alors que l’objet technique ne représente que son temps, nous contemplons l’œuvre d’art au présent.

1.2  - idée principale du texte :

Il n’est pas pensable de présenter les œuvres d’art, dans un musée, dans leur ordre chronologique, car l’œuvre d’art est toujours au présent. Le regard que nous portons sur les œuvres du passé n’est en rien différent de celui que nous portons sur les œuvres contemporaines : dans les deux cas nous sommes au présent, en face d’œuvres picturales. Nous  développons à leur égard la même attitude : ce sont deux surfaces peintes ou nous retrouverons des oppositions de masses, de plans,  de couleurs, une composition, un rythme de lignes etc… et que cette œuvre soit du passé ou de notre temps ne change rien à notre contemplation.

 

2         – Expliquez :

2.1  - En somme, le saint est dans trois temps : il est dans son éternité, il est dans son temps historique ou chronologique, et il est dans le présent.

Le saint est un être proche de la divinité, avec qui il partage béatitude, perfection et éternité. Par ailleurs il a une histoire : il est l’homme ou la femme d’une époque. Mais si je le prie, j’entretiens avec lui une relation qui est présente. Ainsi, il connaît trois durées.

On pourrait prendre comme exemple un personnage historique, Jeanne d’Arc par exemple, qui a joué un rôle important dans la guerre de cent ans, qui fut canonisée par l’Eglise, c’est à dire reconnue comme d’essence divine, et qui fut priée à diverses époques de l’histoire de France, par exemple pendant les guerres, ou qui est encore priée aujourd’hui. Elle est donc à la fois un personnage du passé, une entité éternelle, et une sainte que l’on prie au présent.

Malraux utilise cette métaphore pour nous montrer que l’œuvre d’art elle aussi connaît une triple durée : elle témoigne de son temps, sa beauté est éternelle, et nous la contemplons au présent.

2.2  - Alexandre a une légende, il a une histoire,  mais il n'a pas de présent

Alexandre III le Grand, (356-323) roi de Macédoine puis créateur d’un vaste empire. C’est donc un personnage historique, dont l’importance est reconnue, mais qui, aujourd’hui, n’est pensé que par rapport à cette référence à l’histoire grecque.

Malraux le cite comme exemple d’un être qui n’a qu’une existence historique, tout comme n’importe quel autre témoignage d’une époque donnée (un objet technique par exemple) et par opposition à la sainteté, ou à l’œuvre d’art, qui sont aussi au présent.

 

3 - Essai personnel :

L’analyse développée dans ce texte à propos de l’art et de la technique préhistorique peut-elle s’appliquer à notre époque ?

Introduction :

Les Musées sont-ils les cimetières de l’art ? C’est contre une telle conception que Malraux souligne que toute œuvre d’art, de quelque époque qu’elle soit, participe toujours du présent de celui qui la contemple. Une telle conception s’applique-t-elle aux œuvres de notre époque ? Peut-on, aujourd’hui, faire du rapport au temps la différence essentielle entre un objet technique et une œuvre d’art ? Nous montrerons sur deux exemples combien l’objet technique reste lié à notre époque, alors que l’œuvres d’art peut se libérer de ce lien. Prenons deux objets représentatifs du Xxe siècle : une automobile, la 2cv par exemple et la toile de Picasso, Guernica.

 

Développement :

Argument 1 :

D’une part, la 2cv est représentative d’une époque, les années 50 à 70, comme symbole d’un redressement économique, et de l’accession des classes populaires à un certain confort de vie. La démocratisation de l’automobile est en effet synonyme de possibilité de vacances familiales, d’une plus grande mobilité des personnes, et aussi d’une certaine reconnaissance sociale.

D’autre part, l’œuvre de Picasso s’inscrit bien dans son temps, comme dénonciation du massacre perpétré pendant la guerre d’Espagne par les troupes de Franco, aidées par l’aviation d’Hitler. Elle porte donc témoignage de cette horreur, et de l’indignation de l’artiste devant la violence et l’iniquité. De ce point de vue strictement historique, on peut dire que ces deux objets sont les représentants de leur temps.

Argument 2 :

Mais personne aujourd’hui ne songerait à produire, ou à utiliser pour ses vertus d’automobile une telle voiture : elle intéresse seulement les collectionneurs, ou les nostalgiques « du bon vieux temps », au mieux les historiens. En tant qu’objet d’usage présent, la 2cv a laissé la place à d’autres véhicules, qui seront eux-mêmes un jour démodés. Ceci pour dire qu’un objet technique est irrévocablement lié à son temps, à l’instar des haches de la préhistoire, qui font le bonheur des préhistoriens, mais dont personne ne se sert plus pour couper des arbres ou chasser le mammouth.

En revanche, quand nous sommes aujourd’hui devant la toile de Picasso, notre regard est celui d’un homme d’aujourd’hui, qui vit dans une époque où le Franquisme n’est plus qu’un mauvais souvenir. Nous pourrions certes avoir un même regard d’historien ; mais ce n’est plus en tant qu’œuvre d’art que nous la contemplerions. Même sans connaître l’épisode de Guernica, il y a d’une part une universalité dans la dénonciation des horreurs de la guerre (à Guernica, comme au Kosovo, la guerre est aussi immonde) .

Surtout, notre regard est au présent : nous sommes, ici et maintenant, en relation à une œuvre pictural qui a son propre langage, qui se donne à voir au présent, et l’émotion esthétique que j’éprouve est vécue au présent.

Argument 2 :

Qu’est-ce qui permet à l’œuvre d’art d’échapper au temps ? On peut d’abord dire que les difficultés rencontrées par le plasticien de la préhistoire, lorsqu’il peignait les parois de la caverne sont les mêmes que celles que rencontre le plasticien contemporain. Avec des techniques ou des moyens certes différents, mais à tout prendre  assez semblables, ils doivent occuper un espace, composer dans cet espace des plans et des volumes, manier la lumière et les couleurs, adapter leur trait au support utilisé, créer une dynamique, ou encore rendre expressive une matière. Un artiste d’aujourd’hui pourrait d’ailleurs fort bien utiliser les techniques et les supports d’un homme vivant 14000ans avant Jésus Christ.

L’intemporalité de l’œuvre d’art tient aussi à ce que notre rapport à l’objet ne varie pas : si au sortir de Lascaux nous contemplons Guernica, notre expérience esthétique est unique : elles coexistent dans notre sensibilité.

Enfin, si l’œuvre d’art est grande, c’est qu’elle exprime un universel qui est commun aux hommes de la préhistoire, à Picasso et à moi-même, et que les œuvres d’art nous permettent d’accéder à cette universalité de condition qui nous unit tous quel que soit notre temps.

Conclusion :

Ainsi, les œuvres d’aujourd’hui, comme celles d’hier, ne restent pas liées à leur époque. Ce pourrait même être un critère d’évaluation que de dire que les seules qui accèdent à cette intemporalité sont des chefs d’œuvres.

 

 

 

Michel Le Guen (01-2002)