BAC 2001

Philosophie Série STT/SMS et bacs technologiques

Sujet   1                                            

1/ Analyse

Le projet de maîtriser la nature est-il raisonnable ?

 

 

 

 

Projet : l’ambition de, c’est à dire que l’on ne considère pas cette maîtrise de la nature comme acquise

Maîtriser : à la fois connaître et exploiter « se rendre comme maître et possesseur de la nature » (Descartes)

Prendre la place de Dieu ?

 

 

 

 

 

 

 

Le monde sans l’homme, la donnée extérieure commune aux hommes et aux animaux.

 

 

 

 

Mot à triple sens, dont on peut jouer dans la compréhension du sujet :

-                d’une part le raisonnable dans le sens du rationnel (c’est à dire qui fait usage de la raison pour comprendre, organiser, inventer etc…)

-                Aussi dans un sens moral (Kant) conforme à une exigence de raison : est-ce un projet moralement acceptable de se considérer comme le maître de la nature ?

-                d’autre part raisonnable au sens de la prudence, au sens d’une conduite qui ne met en danger ni autrui ni soi-même

2/Reformulation du sujet

Devenir le maître de la nature, est-ce une ambition possible, légitime et souhaitable pour l’homme ? La raison lui en donne-t-elle les moyens ? A quelles fins conformes aux exigences de la raison peut-il le faire ? La démesure de ce projet n’est elle pas déraisonnable et imprudente ?

3/ Plan

1 – L’homme peut-il prétendre, par le moyen de sa seule raison, s’emparer de la nature ?

-         Compréhension du monde par les sciences

o       Le projet initial : repérer dans la nature des relations causales pouvant être mise en forme par la raison : la modélisation des phénomènes naturels.

o       Limites de ce projet : la connaissance rationnelle du monde est une tâche sans fin ; au fur et à mesure qu’il progresse, l’homme prend la mesure de son ignorance

o       Comprendre n’est donc pas posséder

-         Exploitation du monde par la technique une réussite dangereuse :

o       Constat : les techniques rationnelles modernes sont d’une rare efficacité.

o       Mais l’ambition doit être mesurée : on ne provoque pas impunément les forces de la nature.

-         Le seul qui réussisse vraiment, c’est l’artiste et ses moyens ne sont pas seulement rationnels « arracher des formes au monde que l’homme subit pour les placer dans celui qu’il gouverne » (Malraux) Le seul monde que l’homme puisse véritablement diriger c’est celui dont il est le démiurge (le créateur) c’est à dire l’œuvre d’art. Mais ce n’est pas seulement une ambition rationnelle, elle fait aussi appel à la sensibilité et l’imagination.

Conclusion partielle 1 : La raison peut bien se donner comme ambition de s’emparer du monde : mais cela ne peut rester qu’un projet, car la connaissance ne peut embrasser l’ensemble du réel, sauf à le réduire, comme le fait l’artiste, à ce qu’il peut en maîtriser.

2 – Est-ce une ambition légitime et conforme aux exigences d’une morale dictée par la raison (Kant) Est-ce vraiment la raison qui inspire un tel projet ?

-         Le but initial et vertueux : apporter le bonheur aux hommes : c’est la justification morale la plus juste : vaincre les maladies, répondre aux besoins, magnifier la création.

-         Mais la finalité initiale peut être pervertie : l’homme peut perdre de vue ce but éthique : la techno science lui confère une puissance telle qu’elle peut permettre la réalisation de fantasmes de domination

-         Ce n’est donc pas la raison qui inspire ce projet, mais tout autant les passions humaines, délire prométhéen de l’homme qui voudrait être Dieu.

Conclusion partielle 2 : Le projet de se rendre « comme maître et possesseur de la nature » n’est légitime que s’il est conforme à une exigence de la morale rationnelle : le bonheur de l’humanité comme fin de son action ; mais cette intention morale peut être pervertie par les appétits démesurés.

3 – Est-ce prudent (est-ce « bien raisonnable »? Quelles sont les limites que nous devons assigner à un tel projet ?

-         Les dérives actuelles de la techno science :

o       Un exemple : l’eugénisme, l’application de techniques d’art vétérinaire à l’homme, conséquences morales, sociales, et sur la santé publique.

-         L’homme ne peut oublier qu’il fait lui-même partie de la nature : Nous n’avons qu’un seul monde et l’action de l’homme ne peut le détruire ; à jouer aux apprentis sorciers, l’homme finit par oublier les « comme » de la formule de Descartes ; or, il ne maîtrise pas l’ensemble des paramètres naturels, il ne connaît pas tout. Se prétendre omnipotent dans un monde où il n’est pas omniscient, c’est s’attendre à être dépassé par les produits de sa techno science.

-         Les responsabilités de l’homme face au monde : il n’en est pas propriétaire « Le monde est né sans l’homme et finira sans lui » (Lévi-Strauss)

o       Infantilisme de l’homme moderne : les indiens de Colombie traitent les européens de « petits frères » car ils n’ont pas compris le respect qu’ils devaient à la nature

o       L’homme moderne, l’héritier des lumière, a encore une mutation à réaliser : accéder à « l’âge de raison » Il ne peut le faire qu’en mesurant les conséquences prévisible de ses actes.

Conclusion partielle 3 : le projet prométhéen est déraisonnable parce que dangereux. L’homme ne maîtrise pas les conséquence de son action sur la nature. Il doit donc renforcer la prise de conscience de ses responsabilités face à un monde qui l’accueille, mais dont il ne peut se dire propriétaire.

CONCLUSION : L’homme moderne, en découvrant le pouvoir de sa raison, a rapidement oublié qu’il était redevable à la nature d’un certain nombre d’obligations. S’il se découvre « roseau pensant » il ne doit tout de même pas oublier qu’il est le plus faible des roseaux, et dépendants comme les autres êtres vivant d’un équilibre naturel fragile

M. Le Guen 13-06-2001